De la Vigne à la Bouteille : Comment fait-on le vin ? (Rouge, Blanc, Rosé)
- lou de Millésimé

- 21 nov.
- 4 min de lecture

C'est une question que l'on ose rarement poser de peur de passer pour un novice : "Quelle est la différence technique entre faire du vin rouge et faire du vin blanc ?" La réponse courte ? La peau. La réponse longue est un voyage fascinant dans la chimie et le savoir-faire du vigneron. Car le raisin n'est pas du vin. Le raisin est un fruit sucré qui pourrit s'il n'est pas guidé par la main de l'homme.
Sur Millésimé.fr, nous levons le voile sur les mystères de la cave pour que vous compreniez enfin ce que vous buvez.
1. Le grand secret : La couleur est dans la peau
Si vous pressez un raisin noir (Pinot Noir, Merlot) et un raisin blanc (Chardonnay), le jus qui en sort est... blanc dans les deux cas ! (À l'exception de quelques rares cépages dits "teinturiers"). La chair du raisin est incolore. Toute la couleur, tous les tanins et la majorité des arômes se trouvent dans la pellicule (la peau) du raisin. C'est la gestion de cette peau qui définit la couleur du vin.
2. La Vinification du Vin Rouge : L'Infusion
Pour faire du rouge, on a besoin de la peau des raisins noirs.
L'Éraflage et le Foulage : On sépare souvent les baies de la rafle (la tige verte) pour éviter les goûts herbacés. On éclate légèrement les baies pour libérer le jus.
La Cuvaison (Macération) : C'est l'étape clé. On met tout dans une cuve : le jus, la peau, les pépins. Pendant la fermentation, le jus va "infuser" au contact des peaux. Comme un sachet de thé, plus on laisse infuser longtemps, plus le vin sera foncé et tannique.
La Fermentation Alcoolique : Les levures (naturelles ou ajoutées) mangent le sucre du jus et le transforment en alcool + gaz carbonique + chaleur.
Le Pressurage : Une fois la macération finie, on écoule le vin (le "vin de goutte"). On récupère les peaux mouillées au fond de la cuve et on les presse pour obtenir un vin très tannique (le "vin de presse"). Souvent, on assemble les deux.
Le point technique : La Malolactique. Presque tous les rouges subissent une seconde fermentation (la "malo"). Des bactéries transforment l'acide malique (acide de la pomme verte, dur) en acide lactique (acide du yaourt, doux). C'est pour cela que le vin rouge est moins acide et plus rond que le blanc.
3. La Vinification du Vin Blanc : La Séparation immédiate
Pour faire du blanc, on veut le jus, mais surtout pas la peau (qui apporterait de la couleur et de l'amertume).
Le Pressurage Direct : Dès que le raisin arrive du champ, on le presse immédiatement. On sépare le jus des peaux avant toute fermentation.
Le Débourbage : Le jus est trouble. On le laisse reposer au froid pour que les particules lourdes tombent au fond. On récupère le jus clair.
La Fermentation : Elle se fait sur le jus seul, souvent à température plus basse que pour le rouge (18°C) pour préserver les arômes délicats de fruits et de fleurs.
Pas de "malo" (souvent) : Pour garder la fraîcheur et le "peps" (comme sur un Sauvignon ou un Riesling), on bloque souvent la fermentation malolactique. On garde l'acidité naturelle du raisin.
4. La Vinification du Rosé : Ce n'est pas un mélange !
C'est le mythe le plus tenace. En France, il est interdit de mélanger du vin rouge et du vin blanc pour faire du rosé (la seule exception est le Champagne Rosé). Alors comment fait-on ? Il y a deux méthodes :
A. Le Rosé de Pressurage (Style Provence)
On prend des raisins noirs. On les presse directement (comme pour un vin blanc). Le contact entre le jus et la peau noire ne dure que le temps du pressage (quelques minutes ou heures).
Résultat : Un jus très pâle (rose saumon, peau d'oignon), léger, fin.
B. Le Rosé de Saignée (Style Tavel ou Bordeaux)
On commence comme un vin rouge (macération en cuve). Mais après quelques heures (6h à 24h), quand le jus est devenu rose, on "saigne" la cuve : on soutire une partie du jus rose pour le vinifier à part. Le reste continue à macérer pour faire du rouge concentré.
Résultat : Un rosé plus foncé, plus vineux, plus alcoolisé. Un rosé de gastronomie.
5. L'Élevage : Fût ou Inox ?
Une fois que le vin est né (fermenté), il est "brut". Il faut l'élever.
La Cuve Inox / Béton : C'est un contenant neutre. Il préserve le fruit pur. C'est le choix pour les vins jeunes, fruités, et la plupart des blancs secs.
Le Fût de Chêne (Barrique) : Le bois est poreux. Il permet deux choses :
La Micro-oxygénation : L'air passe très lentement à travers le bois, ce qui patine les tanins et stabilise la couleur.
L'Aromatisation : Le chêne grillé (la "chauffe" du tonneau) donne au vin des arômes de vanille, de pain grillé, de coco, de café.
Attention : Un excès de bois ("jus de planche") masque le terroir. L'art est de trouver l'équilibre.
Conclusion
La vinification est une série de milliers de petites décisions. Vendanger tôt ou tard ? Presser fort ou doucement ? Bois neuf ou vieux bois ? C'est ce qui fait que deux voisins, avec le même raisin et le même sol, feront deux vins totalement différents. Le terroir est la partition, le vigneron est l'interprète.



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