Bordeaux vs Bourgogne : Le duel des titans (et comment choisir son camp)
- Cathy de Millésimé

- 20 nov.
- 5 min de lecture

C’est la rivalité la plus ancienne et la plus célèbre du monde viticole. D’un côté, Bordeaux, la majestueuse, avec ses Châteaux imposants, son commerce international et ses assemblages millimétrés. De l’autre, la Bourgogne, la mystique, avec ses moines, ses parcelles minuscules et son culte du terroir pur.
On entend souvent ce vieux dicton : "Bordeaux, c'est le vin du négociant. Bourgogne, c'est le vin du curé." Mais au-delà des clichés, ces deux régions incarnent deux visions du monde radicalement opposées. Pour l'amateur, passer de l'une à l'autre est souvent déroutant. Pourquoi une bouteille de Bordeaux ne mentionne-t-elle pas les cépages sur l'étiquette ? Pourquoi un Grand Cru de Bourgogne peut-il être décevant si on ne connaît pas le vigneron ?
Sur Millésimé.fr, nous arbitrons ce match au sommet pour vous aider à comprendre ce que vous avez vraiment dans votre verre.
1. La Philosophie : L'Orchestre contre le Soliste
Pour comprendre la différence fondamentale entre les deux régions, il faut regarder comment le vin est pensé.
Bordeaux : L'Art de l'Assemblage (L'Orchestre)
À Bordeaux, le vigneron est un chef d'orchestre. Il dispose de plusieurs "instruments" (les cépages) qu'il va mélanger pour créer une harmonie parfaite. Un grand vin de Bordeaux est rarement issu d'un seul raisin. C'est un mariage savant :
Le Cabernet Sauvignon apporte la structure, la puissance et la capacité de garde (le squelette).
Le Merlot apporte la rondeur, le fruit, le velouté (la chair).
Le Cabernet Franc ou le Petit Verdot apportent les épices et la finesse (la touche finale). Chaque année, selon la météo, le Château ajuste les proportions pour maintenir le "style de la maison". On achète une marque, une signature.
Bourgogne : La Vérité du Terroir (Le Soliste)
En Bourgogne, c'est l'inverse. Le vigneron n'a pas le droit de tricher. Il utilise un seul cépage unique (monocépage).
100% Pinot Noir pour les rouges.
100% Chardonnay pour les blancs. Puisque le raisin est le même partout, la seule chose qui change le goût, c'est le sol : le Terroir. Un Pinot Noir planté en bas de la colline ne goûtera pas comme le Pinot Noir planté 50 mètres plus haut. En Bourgogne, le vigneron est un "traducteur" : il essaie de faire goûter le sol à travers le raisin. C'est une quête de pureté.
2. La Géographie : Château vs Climat
La structure foncière explique pourquoi les étiquettes sont si différentes.
Bordeaux : Le règne du Château
Bordeaux est une région de grands domaines. Un "Château" est une vaste exploitation (souvent 50, 80, voire 100 hectares) qui appartient à un seul propriétaire.
Conséquence : Si vous achetez un Château Margaux, vous savez que tout le vin vient de cette propriété. La qualité est homogène et les volumes sont importants.
Bourgogne : Le puzzle des Climats
La Bourgogne est une mosaïque morcelée par l'histoire et les héritages successifs. Une appellation célèbre comme le Clos de Vougeot (50 hectares) n'appartient pas à une seule personne... elle est divisée entre plus de 80 propriétaires différents ! Chacun possède quelques rangées de vignes, vinifie dans son coin, avec son propre talent.
Conséquence capitale : En Bourgogne, le nom de l'appellation (ex: Gevrey-Chambertin) ne suffit pas. Il faut absolument regarder le Nom du Producteur. Un Gevrey-Chambertin du producteur A peut être divin, et celui du producteur B médiocre, alors que leurs vignes se touchent.
3. Le goût : Puissance contre Finesse
C'est ce qui divise le plus les amateurs lors des dîners.
Le profil Bordeaux (Rouge)
La couleur : Sombre, dense, opaque.
Le Nez : Cassis, mûre, cèdre, boîte à cigare, mine de crayon.
La Bouche : C'est un vin "bâti". On sent les tanins (cette astringence qui structure le vin). C'est puissant, large d'épaules.
L'évolution : Jeune, un grand Bordeaux peut être austère ("fermé"). Il demande 10 à 20 ans pour que ses tanins se fondent et deviennent soyeux. C'est un vin masculin, intellectuel, parfait pour les viandes rouges, le gibier, l'agneau.
Le profil Bourgogne (Rouge)
La couleur : Claire, rubis léger, transparente. Beaucoup de débutants pensent (à tort) que c'est un vin "léger" parce qu'il est clair.
Le Nez : Cerise griotte, framboise, pivoine, puis avec l'âge : sous-bois, champignon, cuir, feuille morte.
La Bouche : C'est un vin de "dentelle". Peu de tanins, mais une belle acidité (fraîcheur). C'est élégant, aérien, sensuel.
L'évolution : La Bourgogne mise sur le parfum plus que sur la structure. C'est un vin d'émotion, parfait pour les volailles, le veau ou simplement pour la méditation.
4. Comprendre les Classements : La hiérarchie
Si vous êtes perdu devant le rayon, c'est normal. Les deux régions utilisent des systèmes pyramidaux, mais basés sur des logiques différentes.
À Bordeaux : On classe les MARQUES
Le classement le plus célèbre est celui de 1855 (instauré par Napoléon III). Il a classé les Châteaux de la Rive Gauche (Médoc) du 1er au 5ème Grand Cru Classé.
Particularité : Le classement est attaché au Nom du Château. Si le Château Lafite achète une parcelle voisine demain, cette parcelle devient "Premier Grand Cru".
Les autres classements : Saint-Émilion a son propre classement (révisable tous les 10 ans), et les Graves aussi. Pomerol (où se trouve Petrus) est la seule appellation majeure sans aucun classement officiel !
En Bourgogne : On classe le SOL
Ici, le classement est immuable car il est attaché à la terre. Une parcelle est classée Grand Cru pour l'éternité, peu importe qui la cultive. La pyramide est simple (de la base au sommet) :
Appellation Régionale (50% de la prod) : "Bourgogne Rouge". Les raisins viennent de partout. Vin simple.
Appellation Village (38%) : "Meursault", "Pommard". Les raisins viennent de la commune. Vin de caractère.
Premier Cru (10%) : "Pommard 1er Cru - Les Rugiens". Une parcelle spécifique de haute qualité. Vin excellent.
Grand Cru (1,5%) : "Chambertin", "Montrachet". L'élite absolue. Le nom du village disparaît, seul reste le nom du "Climat". Vin d'exception (et prix astronomique).
5. Rive Gauche vs Rive Droite : La subtilité Bordelaise
Pour être complet sur Bordeaux, il faut ajouter une nuance. Bordeaux est coupé en deux par l'estuaire de la Gironde.
La Rive Gauche (Médoc, Graves) : C'est le royaume du Cabernet Sauvignon. Sols de graviers (cailloux) qui emmagasinent la chaleur. Ce sont les vins les plus tanniques, les plus aptes à la très longue garde (Pauillac, Margaux, Saint-Julien).
La Rive Droite (Saint-Émilion, Pomerol) : C'est le royaume du Merlot. Sols d'argile et de calcaire. Ce sont des vins plus ronds, plus opulents, plus "sexy" et accessibles plus jeunes, avec des arômes de pruneau et de truffe.
6. Lequel choisir ? Le verdict Millésimé
Le choix entre Bordeaux et Bourgogne dépend souvent du moment et de l'expérience.
Commencez par Bordeaux si :
Vous aimez les vins puissants qui "tiennent au corps".
Vous voulez bâtir une cave pour vos enfants (fiabilité de la garde).
Vous cherchez des valeurs sûres (les marques sont fiables).
Vous avez un budget moyen (on trouve d'excellents Bordeaux entre 15€ et 30€).
Passez à la Bourgogne si :
Vous recherchez la complexité aromatique et la finesse plutôt que la puissance.
Vous aimez le côté "chasse au trésor" (dénicher le bon producteur).
Vous êtes prêt à accepter une certaine variation (le Pinot Noir est capricieux).
Vous avez un budget plus élevé (la Bourgogne est devenue très chère à cause de sa rareté).
Conclusion
Il n'y a pas de vainqueur. Les grands amateurs finissent souvent par aimer les deux. Ils boivent du Bordeaux l'hiver sur une côte de bœuf, et du Bourgogne l'été sur un poulet rôti. L'important est de comprendre que ces deux régions ne racontent pas la même histoire : Bordeaux est une épopée héroïque, la Bourgogne est un poème romantique.



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